mercredi 31 août 2011

Gong fu cha du matin





    Souvent on me dit que pour préparer un bon thé il ne semble pas utile d'avoir des années de pratique. Il suffit d'abord d'être attentif à l' eau : sa qualité, sa quantité et sa température ; puis faire de même avec le thé, que l'on doit méticuleusement choisir et soigneusement doser. Enfin si l'on est vigilent au temps d'infusion, le thé sera réussi. Pourquoi suivre alors un cérémonial compliqué et réitéré chaque jour ?

    Certes il faut réussir le thé. Il doit être bon. Mais dans cette maîtrise du thé, il se joue d'autres choses : la circulation d'énergie, le qi () et la spontanéité de l'expression, l'aisance posturale qui dans sa perfection induit l’épanouissement de la liqueur de thé. (Voir cette idée exposée dans ce blog en février 2011.)
    La pratique quotidienne est essentielle pour que le geste soit intégré au corps, seul moyen d'atteindre la spontanéité. Et cela ne se trouve pas aisément. Et s'il faut de longues années pour y parvenir c'est qu'il faut qu'une empreinte d’énergie habite le corps.
     Pour autant il faut d'abord imiter les maîtres de thé, en suivant les positions de leurs corps, leurs gestes, comme par exemple les différentes manières de verser l'eau de la bouilloire dans le Zhong, l'ordre des séquences, les directions des mains ; les rythmes, la fluidité.
  Mais ce qui importe dans cette gestuelle c'est de ressentir de l'intérieur une parcelle d’énergie.Voilà pourquoi dans la tradition chinoise on dit que les explications fournies par l'intellect et formulées par la verbalisation ne sont pas essentielles. Le but n'est pas d’emmagasiner un savoir mais de vivre une sensation kinesthésique. Ainsi il faut se détacher un jour du maître, non pas pour faire comme bon nous semble, mais parce qu’il est impossible de parvenir à cette intériorisation si l'on pratique seulement en même temps que le maître, en suivant ses gestes et en les mimant ; car lorsque l'on se focalise sur le corps de l'autre, on ne peut pas investir son propre corps. C'est une mémoire du corps qu'il faut favoriser, une mémoire identique à celle que l'on retrouve dans d'autres pratiques, tel le tai chi chuan (太极拳 tàijí quán) ou la danse. Et comme personne n'a les mêmes potentialités qu'une autre, il n'y a pas de norme valable pour tous, chacun doit puiser dans ce qu'il est, et ainsi, chacun peut s'ouvrir à sa nature profonde. 
    Dès lors, par cette pratique quotidienne, le thé sera bon.