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De passage à Singapour, j’entreprends une petite visite aux amis du thé dans le quartier de Trengganu Street. J'arrive de l'est par Cross Street puis tourne sur South Bridge Road et entre directement à Mosque Street. Dans la ville c'est un de mes coins préférés. Et même si les rues adjacentes (comme Pagoda Street ou Smith Street) perdent peu à peu leurs particularités, c'est toujours un plaisir de s'y rendre. J'ai une journée devant moi : je vais pouvoir faire la tournée des maisons de thé. Je pousserai mon escapade jusqu'à Neil Road et Telok Ayer Street, sans oublier Club Street.
Chaque maison a ses spécialités, chaque famille ses thés de prédilection. Les grandes régions de production du sud et du sud-ouest de la Chine sont toutes bien représentées.
Mais c'est aussi un lieu idéal pour trouver les accessoires de thé en terre, en bois ou en porcelaine. Certains ustensiles, fabriqués en Chine et destinés aux cérémonies de thé, sont plus faciles à trouver à Singapour qu'à Beijing !
Le Yunnan d'abord : les thés du « sud des nuages » sont ici très prisés; les Pu'er se vendent bien à Singapour et quelques importateurs en ont de fameux.
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Dès que j'arrive, les professionnels du thé des environs sont conviés en un instant par les patrons des maisons de thé. Plusieurs arrivent en scooter express et en dix minutes il est organisé une dégustation fine ! Une telle rapidité pour mettre sur pied, avec de vrais connaisseurs, une vraie dégustation professionnelle, c'est vraiment impressionnant. Pas besoin d'envoyer de courriels pour prévenir tout le monde, pas besoin de sortir les agendas pour trouver une date : la dégustation, c'est ici et maintenant !
En plus, devant chaque liqueur et infusion, toutes les personnes présentes font une analyse de ce qu'ils viennent de voir, de sentir et de gouter. Un vrai plaisir.
La région du Fujian est également représentée. On rencontre des spécialistes des Shui Xian et d'autres véritables thés du nord des Wu Yi Shan. Mais aussi de vraies productions du district de Anxi. Certains marchands retravaillent les thés de Anxi qu'ils reçoivent. Ils trient de nouveau les feuilles pour réaliser des Jing Cha, sorte de quintessence du thé. De manière traditionnelle, ils mélangent même parfois plusieurs productions en leur donnant des noms nouveaux, -propres à leur boutique- et que leurs clients apprécient en toute connaissance de cause et viennent acheter spécialement.
Au milieu de toutes ces dégustations, c'est un thé de l'est de la région du Guang Dong qui a retenu mon attention -par sa qualité exceptionnelle : un Mi Lan Xiang Dan Cong (récolté en Chine le 11 mai) qui n'a jamais aussi bien porté son nom d'orchidée parfumée tant l'odeur de cette plante herbacée est présente dans l'infusion.
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D'ailleurs le Mi Lan Xiang est comme chez lui à Singapour, dans cette ville où poussent autant d'extraordinaires variétés d'orchidée.
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Pour une fois, dans la liqueur orangée, en attaque, pas de note grillée trop accentuée (comme c'est souvent le cas pour les moins réussis de ces thés), mais rapidement le boisé léger et des variations fruitées de cassis, de pêche puis une symphonie de petites pointes fleuries, dont justement l'orchidée (semblable à ce que l'on trouve dans certains très bons Fen Huang Dan Cong). Puis arrivent les pétales de rose, et de nouveau le fruité de la mûre, une infime petite note de litchi ( que je n'aurais peut-être pas décelée si je ne l'avais pas déjà rencontrée -en beaucoup plus soutenue- dans d'autres Mi Lan Xiang). Enfin une subtile astringence, alliée aux fruits noirs, s’installe durablement en bouche. Nous n'avons bu que trois eaux de ce merveilleux thé, ce qui est certes dommage, mais qui est le lot de ce genre de dégustation. La dernière était la meilleure. Ce qui laisse à penser que les suivantes auraient été pas mal non plus.
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